Haut Moyen Âge
Au début du Vème siècle, fuyant les pirates irlandais, les Angles et les Saxons, des familles et des clans venus du Pays de Galles, du Devon et de la Cornouailles anglaise traversent la Manche pour des régions plus sûres. Beaucoup débarquent dans la péninsule bretonne, dans des anciennes cités Osismes et Coriosolites. Les textes de cette période sont rares, la première source d’information reste l’archéologie.
Les enceintes
De nombreux vestiges de talus ou de remparts ont été découverts lors de prospections et peuvent correspondre à des habitats du haut Moyen-Âge. Ces enceintes et enclos sont nombreux sur le territoire indiquant une mise en réseau réfléchie, comme sur les contreforts méridionaux des Montagnes Noires dont les enceintes semblent former une frontière entre le Poher et le Vannetais.
Depuis 2010, des opérations archéologiques sont mises en place et ont permis une datation précise des sites ainsi que la création de plans et la mise au jour de mobilier. Les quatre sites fouillés, entièrement ou partiellement, sont datés entre le Vème et le Xème siècle et sont basés à proximité des voies anciennes. A flanc de colline pour la plupart, elles sont délimitées grâce aux terrasses ou aux talus, avec une organisation interne des espaces : la partie résidentielle en partie haute et les dépendances en partie basse.
Le plan de ces enceintes rappelle celui des villae antiques séparées entre pars urbana et pars rustica, voire celle de fermes gauloises plus anciennes. Elles annoncent également l’organisation des fortifications médiévales plus tardives, séparées entre haute et basse cour. Les clôtures de toutes ces enceintes sont monumentales, hautes de 2 à 3m et précédés d’un fossé. Le caractère défensif de ces remparts est évident, mais ils montrent que ces enceintes dominent et contrôlent les territoires, à la manière des châteaux plus récents.
Une organisation propre aux Bretons
Bien que les fouilles sur Vorgium n’aient pas donnés d’éléments attestant de l’importance de la ville pour la période du haut Moyen-Âge, les fermes et exploitations agricoles de cette période se trouvant à proximité indiquent un rôle économique encore important de la ville. Les graines carbonisées trouvées sur les sites indiquent la nature des cultures : froment, orge, seigle et avoine. La conservation des grains se fait dans des silos, plus ou moins imposants, avec un système de séchage préalable des graines pour éviter leur pourrissement.
Les enceintes et enclos fouillés en centre Bretagne, en nombre inférieur à la réalité de l’époque, diffèrent par leur composition et leur organisation de ceux qui se trouvent à l’est, sous le contrôle des Francs. Ces derniers reprennent les tracés antiques pour leurs constructions, et l’ajout de parcelles proches dédiées à la forge, à la cuisson ou à l’élevage donne forme à de véritables petits hameaux. De plus les capitales des Riedones et des Vénètes sont reprises pour les évêchés, tandis que les capitales des Osismes et Coriosolites ne revêtent pas ce rôle.
Une comparaison des sites résidentiels avec ceux d’Outre Manche permettrait de faire une analyse plus poussée des influences et de l’implication culturelle des immigrés de l’île. Le mobilier retrouvé sur les sites, ou plutôt l’absence de mobilier, indique des habitudes propres aux Bretons. Ainsi l’habitat aristocratique de Bressilien, occupé pendant plusieurs siècles, n’a livré qu’une centaine de fragments de céramiques indiquant l’utilisation de récipients en bois, en vannerie, en cuir ou en métal. Ce fait se retrouve dans plusieurs régions de Grande-Bretagne et d’Irlande.
La période carolingienne
Dénommée Britannia à l’époque mérovingienne, dans les sources rédigées par les Francs, cette portion de la Gaule entretenait des relations avec ces derniers.
L’accession au pouvoir royal du carolingien Pépin, en 751, fut suivie, dans ces confins, d’une succession de campagnes militaires. En 818, l’empereur Louis le Pieux, réunissant une armée considérable, vint en personne châtier le roi Morvan. Il lui reprochait de ne pas être venu lui renouveler son serment de fidélité, attestant ainsi les relations politiques étroites nouées à la fin du VIIIe siècle. Morvan mis à mort selon le droit romain, Louis reçut à Carhaix le serment des descendants du roi.
En 831, alors que l’empire connaissait de graves troubles, Louis le Pieux choisit de remanier l’organisation politique de ces secteurs. Il créa ainsi la Bretagne dans les frontières qu’elle conserva durant de longs siècles. Il mit à sa tête Nominoë. Cette nomination ne pouvait que viser à apaiser ces régions insoumises, aussi, il faut envisager une filiation directe entre le roi Morvan et Nominoë. Le fils de ce dernier se vit d’ailleurs reconnaître, en 851, le titre de roi des Bretons. En 856, sa fille fut choisie pour devenir la future reine des Francs. Ce qui nous montre que ce lignage appartenait à la haute noblesse européenne.
Il était issu des secteurs ici étudiés et les hommes qui occupèrent les enceintes décrites étaient pour certains des parents de la lignée royale bretonne. Carhaix, au cœur des espaces étudiés, cité autour de laquelle s’organisa la terre des rois de Bretagne, demeura jusqu’à la fin de l'époque carolingienne une sorte de sanctuaire qu’il fallait préserver, car siège de civitas à l’époque romaine, elle relevait directement du Bien Commun.
Bibliographie sommaire
- J. Burnouf et I. Catteddu, Archéologie du Moyen-Âge, éd. Ouest France Inrap, Rennes, 2015
- J.C. Cassard, Les Bretons de Nominoë, 2ème édition, éd. PUR, Rennes, 2003
- P. Ettel, A.-M. Flambart Héricher, K. O’Conor [dir.], L’origine du château médiéval : actes du colloque international de Rindern, Allemagne, 28aout-3septembre 2010, éd. CRAHM, Caen, 2012
- A.-M. Flambart Héricher [dir.], Archéologie médiévale : 2015, éd. CNRS, Paris, 2016
- P. Kernévez, Fortifications médiévales du Finistère : mottes, enceintes et châteaux, éd. Institut culturel de Bretagne-Skol-Uhel ar vro, Rennes, 1997
- G. Meirion-Jones [dir.], La demeure seigneuriale dans l’espace Plantagenêt : salles, chambres et tours, éd. PUR, Rennes, 2013
- H. Sée, Étude sur les classes rurales en Bretagne au Moyen-Âge, éd. Armeline, Crozon, 1995
Voir aussi : la Bretagne de -125 000 à 2 047