Néolithique
Le paysage du centre Bretagne est parsemé de pierres dressées se fondant parfois si naturellement dans l’environnement qu’elles nous amènent à nous questionner non seulement sur leur caractère naturel ou artificiel mais aussi sur leur destination. Matérialisation de limites, bornes « territoriales » jalonnant peut-être des parcours, elles furent et demeurent toujours très présentes comme autant de témoins immuables ayant veillé depuis des millénaires sur ces terres.
Pierres colossales
Perchées sur des sommets, accrochées à des versants, nichées dans des méandres de ruisseaux, fichées en tête de vallée, les pierres dressées se rencontrent sous une grande diversité d’aspects, de dimensions et de matières : hautes et massives, fuselées et élancées, étroites ou larges, parfois petites et fragiles. Certaines se retrouvent seules aujourd’hui, mais des indices laissent penser qu’elles étaient accompagnées d’autres pierres pour constituer un alignement ou un cercle, comme pouvaient l’être les trois pierres (Tri Men) à Saint-Goazec.
Certaines de ces lignes ont été détruites au fil du temps, les pierres ayant été repoussées en bordures de champs ou, le plus souvent, réemployées dans d’autres constructions. Ainsi, en 1997, les sites finistériens de Roc’h Toul et Croaz-an-Teurec (Saint-Goazec) perdent 7 pierres sur les 10 qu’ils comportaient auparavant.
On le voit bien, qu’elles soient esseulées ou rassemblées, il reste difficile de reconstituer la moindre organisation reconnaissable dans ces décombres de pierres. Modifications naturelles ou humaines, les roches se trouvent levées, tombées, cassées, isolées ou réassemblées, parfois de manière arbitraire.
Des plans aux sols avec des normes précises
L’image traditionnelle du dolmen correspond, en réalité, aux vestiges d’édifices tellement ruinés qu’il n’en reste qu’une seule table de pierre en équilibre miraculeux sur deux piliers. En y regardant de plus près, l’organisation de ces dolmens se révèle et on peut les classer ainsi : tombe à couloir, tombe en V, sépulture à entrée latérale, allée couverte, coffre.
Les tombes à couloir se trouvent normalement dans des cairns qui peuvent parfois recouvrir plusieurs tombeaux. Bien représentés sur le littoral breton, il faut attendre la fouille du monument de Croaz Dom Herry (Saint-Nicolas-du-Pelem) pour que l’intérieur des terres découvre les siennes. Les sépultures en V se caractérisent par une atténuation très nette de toute différenciation entre l’espace du couloir et celui de la chambre. Brennilis avec Ty-ar-Boudigued et Laniscat avec Liscuis sont les plus fameux exemples de la sépulture mégalithique en V.
Les sépultures à entrée latérale sont caractérisées par un allongement de la chambre qui se développe de manière dissymétrique par rapport au couloir qui permet d’y accéder sur l’un des longs côtés. Ces tombes se trouvent protégées dans un tertre parfois bien conservé. Coët-Correc à Mûr-de-Bretagne est un des sites majeurs, avec une porte séparant les deux espaces. Les allées couvertes ont une hauteur constante, sont de plan rectangulaire et l’accès à la chambre se fait par une « chatière » rectangulaire ou en arc de cercle. En centre Bretagne, ces édifices sont plus nombreux que les tombes à couloir et se rencontrent dans de nombreuses communes. Ainsi à Laniscat, deux allées couvertes côtoient la sépulture mégalithique en V de Liscuis pour former un bel ensemble monumental.
Du funéraire au vivant
Beaucoup de monuments funéraires ont été détruits ou sont menacés de l’être, ne formant plus alors qu’un ensemble hétéroclite qui pose la question de leur époque et de leur édification. Pourtant, leur contenu mobilier et les datations radiocarbones permettent de les situer autour de -4500 pour les plus anciens, et de suivre leur évolution jusqu’à 2000 ans avant notre ère. Leur fonction funéraire est attestée grâce aux restes humains retrouvés dans les chambres, qui peuvent correspondre à un ou deux individus jusqu’à une centaine de dépouilles.
Certaines des pierres ornées sont intégrées à des alignements, aux parois ou aux plafonds de tombeaux. Ces gravures restent difficiles à interpréter, bien que les avancées archéologiques permettent de mettre en lumière des éléments nouveaux. Le soin donné au projet architectural montre la volonté de marquer durablement le paysage et la mémoire des communautés. En cela, les monuments racontent la vie des hommes, leur façon d’habiter.
L’homme du Néolithique modifie son environnement afin d’en exploiter les ressources. Cette transition est marquée par l’apparition de maisons et de villages dont la présence est attestée par de nombreux indices, tels que des outils en silex et roches dures locales trouvés en surface ou encore des plans de bâtiments qui commencent à être révélés à la faveur d’opérations d’archéologie préventive ou programmée. Sur le site de Kermenguy à Châteauneuf-du-Faou les archéologues ont trouvé des fragments de céramiques, haches polies, outils en silex, meule et polissoire dans un habitat datant de -4200.
Bibliographie sommaire
- G. Bailloud, C. Boujot, S. Cassen, C.-T. Le Roux, Carnac. Les premières architectures de pierre, éd. Du CNRS, Paris, 1995 (ré-éd. 2009)
- C. Boujot, J.-Y. Tinévez, Les premières sociétés paysannes. Bretagne est univers, Catalogue du Musée de Bretagne, éd. Apogée-PUR, Rennes, 2007
- A. Gallay, Les sociétés mégalithiques : pouvoir des hommes, mémoire des morts, 2ème édition, éd. PPUR, Lausanne, 2011
- J. Guilain [dir.], Sépultures d’occident et genèse des mégalithismes (9 000 – 3 500 avant notre ère), Séminaires du Collège de France, éd. Errance, Paris, 1998
- J. Guilaine [dir.], Populations néolithiques et environnement, éd. Errance, Paris, 2006
- J. L’Helgouac’h, « L’art mégalithique en Europe », dans Dossiers d’archéologie, 230, 1998, pp.4-13
- Y. Lecerf, La Bretagne préhistorique : les peuplements des origines à la conquête romaine, éd. Skol Vreizh, Morlaix, 2014
- C. Louboutin, Au néolithique : les premiers paysans du monde, éd. Gallimard, 1990
Voir aussi : la Bretagne de -125 000 à 2 047