Époque romaine
Auguste, fils adoptif de César, organise entre -16 et -13 la Gaule chevelue en trois provinces : la Belgique, l’Aquitaine et la Lyonnaise, dans laquelle s’insère la péninsule bretonne. Les nouvelles divisions administratives sont généralement les héritières des anciennes cités gauloises. Chez les Osismes, le centre de pouvoir déménage alors de Saint-Symphorien à Vorgium, aujourd’hui Carhaix.
Un territoire centré sur Vorgium
Les voies de communication du centre Bretagne sont adaptées afin de relier les chefs-lieux de cités voisines et les agglomérations côtières à Carhaix. Pour cela, le réseau viaire romain reprend en partie le réseau gaulois, l’améliore et le dévie quand c’est nécessaire. Vorgium devient alors l’une des villes les plus importantes de la région avec Rennes, Vannes et Corseul. A son apogée, elle s’étend sur une surface rectangulaire de 1 500 m d’est en ouest et 850 m du nord au sud, approchant ainsi une superficie de 130 hectares.
Les connaissances sur la ville antique sont encore fragmentaires. Les principaux édifices publics n’ont pas encore été repérés, même si de nombreux indices permettent de situer le Forum entre l’église Saint-Trémeur et la mairie. L’aqueduc est en fait le seul monument connu, dont les traces sont encore visibles aujourd’hui. Parcourant la campagne sur 27 km, il permettait un approvisionnement en eau comme l’attestent les vestiges d’une fontaine sur le site de la réserve archéologique.
La ville s’épanouit à partir du milieu du Ier s. apr. J.-C. Certaines habitations sont alors composées de maçonneries faites de moellons liés au mortier de chaux. De riches demeures apparaissent et se développent, revêtant souvent une double fonction domestique et commerciale, à partir du IIème siècle. Le soin apporté aux décors et aux équipements de ces domus indique une romanisation importante des classes aisées, inspirée du monde méditerranéen.
Les habitats urbains et ruraux
Dans Carhaix, les fouilles du centre hospitalier démontrent le maintien d’une présence aristocratique et, probablement, la pérennité des fonctions administratives de la ville après la fin du IIIème siècle. La grande demeure fouillée sur ce site couvre une superficie de 3 000 m2 dont 1 600 m2 de bâtiments. Ces derniers s’articulent autour d’un vaste péristyle avec puits et présentent une partie privée et des espaces publics dont une grande salle de réception cruciforme. Les thermes d’une construction plus ancienne sont intégrés à cet ensemble et les zones de services sont rejetées en périphérie de la demeure principale.
L’occupation des campagnes est caractérisée par l’implantation de villae rurales réparties sur l’ensemble du territoire, identifiées par l’extension et la nature des vestiges au sol, plus nombreuses au voisinage de Carhaix. La prospection aérienne a permis de repérer à Kergaravat en Motreff une villa à plusieurs ailes disposées autour d’une cour résidentielle, d’une superficie d’environ 2 hectares et comportant une partie agricole et une forge, d’après les traces de scories. Située à quelques kilomètres de Carhaix, cette villa s’inscrit dans la catégorie des grands domaines agricoles de riches propriétaires terriens dont les productions alimentaient les marchés de la ville voisine.
À côté des grands propriétaires terriens, le maintien d’une classe de petits paysans semble avéré par l’implantation de fermes encloses de fossés, avec parfois des parcelles associées. Au nord-est du territoire, secteur où la prospection aérienne est favorable, de nombreuses fermes ont été détectées. L’absence de moellons au sol laisse penser qu’il s’agissait de constructions en terre et bois. Dans certains cas, l’occupation de ces bâtiments est une continuité de l’âge du Fer, mais fautes de fouilles on ne sait jusqu’à quand perdurent ces exploitations.
L’exploitation des ressources
À Langonnet, un important centre de production de terres cuites architecturales a été découvert au XIXème siècle. Les traces archéologiques retrouvées, comme des fragments de tuiles de toiture et de briques de construction déformés et surcuits massés en monticules, indiquent les lieux de cuisson. Une production de poteries se situait à Guernévan en Glomel, où des fours (entre 2 et 5 selon les sources) ont été détruits lors de l’ouverture d’une carrière en 1978. Ces centres de productions, situés à proximité de voies allant vers Carhaix, alimentaient les chantiers de construction et les commerces afin de couvrir les besoins des établissements de la région.
Le calcaire étant rare sur le territoire et impropre à tout usage autre que la fabrication de la chaux, les décors architecturaux découverts à Carhaix, caractérisés par leur sobriété, sont taillés dans les granites fins issus de la carrière de Locuon en Ploërdut à 27 km de la ville. Les moellons pour la maçonnerie sont confectionnés à partir des roches et ressources locales ; les observations sur l’aqueduc mettent en avant l’utilisation des pierres se trouvant au plus près du site de construction.
Le sous-sol du Centre Ouest Bretagne recèle de nombreux filons minéralisés (plomb argentifère, galène argentifère, argent natif). Entre 1958 et 1963 des sondages à Plélauff ont montré l’exploitation de ces ressources dans l’Antiquité grâce à la datation des boisages d’une galerie découverte à 70 m de profondeur. Les tas de scories de minerais de fer indiquent également une exploitation de ce métal, notamment autour de la Trinité-Langonnet. L’or du Blavet et de la région du Cloître-Pleyben ont pu être exploités pour la confection de bijoux.
Bibliographie sommaire
- J.-Y. Eveillard, L. Chauris, M. Tuarze et alii, La pierre de construction en Armorique romaine : l’exemple de Carhaix, éd. CRBC, Brest, 1997
- P. Galliou, Guide de la Bretagne romaine, éd. Coop Breizh, Spézet, 2015
- P. Galliou, L’Armorique romaine, éd. Armeline, Brest, 2015
- G. Le Cloirec et collaborateurs, Carhaix antique. La domus du centre hospitalier. Contribution à l’histoire de Vorgium, chef-lieu de la cité des Osismes, éd. Presses Universitaires de Rennes, 2008
- G. Leroux, M. Gautier, J.-C. Meuret et alii, Enclos Gaulois et gallo-romains en Armorique : de la prospection aérienne à la fouille entre Blavet et Mayenne, éd. Association pour la diffusion des recherches archéologiques dans l’ouest de la France, Rennes, 1999
- A. Provost, B. Leprêtre, E. Philippe, L’aqueduc de Vorgium-Carhaix, Finistère : contribution à l’étude des aqueducs romains, éd. CNRS, Paris, 2013
Voir aussi : la Bretagne de -125 000 à 2 047